Tahiti : Emmanuel Macron, le sixième Président français en Polynésie

TAHITI INFOSRédigé par Esther Cunéo le Vendredi 23 Juillet 2021 à 17:01

Tahiti, le 22 juillet 2021 – A la veille de l’arrivée d’Emmanuel Macron, Tahiti infos vous propose de revenir sur la visite des cinq Présidents de la République qui ont déjà foulé le sol polynésien et marqué l’histoire de la Polynésie française.

De Gaulle et les “compensations” de l’après CEP

Emmanuel Macron, le sixième

6 septembre 1966. Le général de Gaulle arrive à Tahiti pour une visite de trois jours. Au programme, un tour de l’île avec un bref arrêt au poste de commandement du centre d’expérimentation du Pacifique. Le circuit se termine à Pirae, avec un “vibrant” discours du maire de l’époque, Gaston Flosse. Mais c’est à Moruroa que la visite officielle s’achève. Si la Polynésie accueille cette année-là pour la première fois un Président de la République en activité, ce n’est pas la première fois qu’elle reçoit la visite du général de Gaulle. Celui-ci avait entreprit en 1956 “un tour du monde pour remercier les populations d’Outre-Mer qui l’avaient soutenu pendant la guerre” écrit l’historien Jean-Marc Regnault, dans “Le Nucléaire en Océanie, tu connais ?” Cette année-là pourtant, le général n’a encore aucun pouvoir pour négocier l’installation du CEP comme le rappelle l’historien. “De Gaulle considérait plutôt Tahiti comme un refuge en raison de son isolement (…). Il redoutait une troisième guerre mondiale”. C’est en 1962 que le conseil de défense acte l’installation du CEP à Moruroa. Dans son discours à Papeete le 6 septembre 1966, de Gaulle évoquera d’ailleurs les “compensations” accordées aux Polynésiens, envisageant l’après CEP avec le développement “en marche” des transports, du tourisme, de la pêche ou de la scolarisation.

Giscard salue la “réussite” de l’autonomie

Emmanuel Macron, le sixième

Treize ans après le général, près de 5 000 personnes accueillent en chant et en danse Valéry Giscard d’Estaing à l’aéroport de Tahiti-Faa’a. Nous sommes le 18 juillet 1979, il est 22 heures passées. Deux ans après la mise en place du statut d’autonomie de gestion administrative et financière en 1977 sous Francis Sanford, le Président vient constater “l’évolution rapide” de la société polynésienne. “Votre nouveau statut est une réussite” salue le Président, “il vous permet d’être à la fois pleinement Polynésiens et pleinement Français”. Justifiant ainsi sa venue “pour donner un nouvel élan au contrat passé entre la France et la Polynésie”, le Président rappelle que si “la France est présente à Tahiti, c’est parce que la grande majorité des polynésiens le souhaitent”.

Accueillie d’abord par le Conseil de gouvernement, puis par le Président de l’assemblée territoriale, Valéry Giscard d’Estaing souligne lors de son discours place Tarahoi, la nécessité de développer le tourisme et l’exploitation de la mer, ou encore de répondre aux questions sociales. “La France est résolue à apporter sa contribution à la recherche de la justice et de la fraternité” afin “d’atténuer et de réduire progressivement l’écart des niveaux de vie entre Tahiti et les archipels éloignés en faveur du logement social, et des travailleurs sans emploi par l’ouverture de chantiers d’utilité publique”. Une “contribution” que le Président souhaite apporter également à la protection sociale des travailleurs non-salariés “ainsi que vous l’avez toujours souhaité”. Son discours intervient alors sur fond de trêve politique entre les partis associés au sein de la majorité autonomiste le temps de la visite présidentielle.

Mitterrand pour “faire disparaître les dernières traces du pacte colonial”

Emmanuel Macron, le sixième

Peu après sa défaite aux élections de 1965 contre De Gaulle (59,8% des voix au second tour), François Mitterrand désapprouve encore la politique nucléaire du chef de l’Etat. Elu au second tour face à Valéry Giscard d’Estaing en 1981, il finira pourtant par s’y rallier et soutenir les partis autonomistes. Sa visite officielle le 15 mai 1990 intervient d’ailleurs cinq ans après un bref passage à Moruroa à bord du Concorde pour assister à un tir nucléaire.

Pas d’attroupement à son arrivée, si ce n’est celui mené par le leader indépendantiste, Oscar Temaru, et de quelques centaines de personnes en tenue de deuil. Pas de quoi perturber la visite officielle de trois jours, marquée par les festivités du centenaire de la ville de Papeete. L’occasion pour le chef de l’Etat d’inaugurer l’hôtel de ville flambant neuf. Un monument municipal d’un coût de 110 millions de Fcfp engagés par Jean Juventin, à l’époque, maire de la ville. Devant le gouvernement alors présidé par Alexandre Léontieff, le Président a dressé un bilan positif de l’évolution statutaire de la Polynésie vers le régime de large autonomie, promettant de “faire disparaître les dernières traces du pacte colonial”. Mettant cependant en garde contre un “système fiscal polynésien fondé presque exclusivement sur la consommation” il a souligné la nécessité “d’introduire une fiscalité sur les revenus. Votre territoire ne pourra continuer de faire exception au sein de la République”.
Après s’être rendu à Rurutu, puis à Bora Bora, François Mitterrand a présidé une session du Conseil du Pacifique Sud. L’occasion de réaffirmer la présence française dans la région et d’annoncer que la France donnera désormais un “maximum” d’informations sur les expériences nucléaires qui se poursuivront jusqu’en 1991.

Chirac et la dette du nucléaire

Emmanuel Macron, le sixième

En tant que maire de Paris en juillet 1978, en tant que président du RPR en septembre 1982 puis en septembre 1985 et finalement, en tant que Président de la République en juillet 2003, Jacques Chirac est venu quatre fois au fenua. Sa grande amitié avec le président de la Polynésie, Gaston Flosse, n’y est pas étrangère. Acclamé, embrassé et couvert de colliers de tiare, le chef de l’État et son épouse Bernadette sont accueillis ce vendredi 25 juillet par une foule de 4 000 personnes sur le chant de la Marseillaise. A l’occasion de cette visite éclair de deux jours, Gaston Flosse n’a pas caché sa reconnaissance devant la dotation annuelle de 18 milliards de francs en compensation de la fin des essais en 1996 -à l’issue de six tirs- dans le cadre de la convention dite de “l’Après-CEP”. L’argent qui, on le sait, a contribué à construire les infrastructures du Pays. 

Devant les interrogations de plus en plus pressantes des vétérans du nucléaire, le président de la Polynésie a cependant nié tout danger pour la population. “S’il y avait eu le moindre danger, j’aurais demandé au gouvernement d’arrêter” a-t-il déclaré dans un entretien au Monde. Des inquiétudes que Jacques Chirac jugera “légitimes” au quotidien Les Nouvelles de Tahiti, avant de citer une étude internationale indépendante et d’affirmer qu’“il n’y aura pas d’effet sur la santé, à court terme comme à long terme”. Aux élus du fenua, le chef de l’Etat témoignera d’ailleurs sa reconnaissance à la Polynésie pour avoir abrité les essais nucléaires.

François Hollande en visite éclair

Emmanuel Macron, le sixième

Cinquième Président à fouler le sol polynésien, François Hollande ne passera que 24 heures au fenua. Un séjour marathon qui permettra toutefois au chef de l’État de répondre aux visites protocolaires, de se rendre à Raiatea sur le marae de Taputapuatea ou de concrétiser une promesse de sa campagne présidentielle : visiter pendant son quinquennat toutes les collectivités d’Outre-mer.
Le lendemain de son arrivée, le 21 février 2016, la journée marathon du président débute par un détour par le cimetière de l’Uranie, où François Hollande s’est recueilli quelques instants sur la tombe du Metua, Pouvana’a a Oopa, avant de présider une cérémonie au Monument aux morts de Papeete. Après une petite visite de la ville, il s’est accordé un arrêt très folklorique au marché de Papeete en compagnie du maire et des élus de la capitale, attendu sur la question du nucléaire et de la “réparation de la France”, le chef de l’Etat a déclaré que “si aujourd’hui la France est ce qu’elle est avec cette capacité de dissuasion c’est parce qu’il y a eu pendant une période très longue des essais nucléaires”. L’indemnisation des victimes des essais nucléaires sera d’ailleurs le dossier le plus important de son court séjour à Tahiti.

Georges Pompidou et Nicolas Sarkozy : Les absents

Président de la République de 1969 à 1974, Georges Pompidou n’est pas venu en Polynésie sous son mandat de chef de l’Etat. C’est en juillet 1964 sous De Gaulle, en tant que Premier ministre qu’il viendra en Polynésie, notamment pour visiter la base militaire Hortensia à Moruroa, où se dérouleront les premiers essais nucléaires. Le Premier ministre s’était alors heurté aux inquiétudes visant le CEP. S’il a déclaré à l’époque comprendre ces inquiétudes, il avait défendu “la création de ressources” et “l’apport d’une masse de travail et de capitaux générateurs” du boom économique sur le fenua.
Quant à Nicolas Sarkozy, président de la République de 2007 à 2012, il s’est excusé sur les chaînes polynésiennes de ne pas avoir pu se rendre en Polynésie durant son mandat. “Je sais que certains Polynésiens ont pu interpréter ceci comme une marque de distance. Je veux leur dire qu’il n’en est rien, et que depuis cinq ans j’ai constamment veillé sur la situation polynésienne”, a-t-il déclaré. “Je souhaite, au plus profond de mon cœur, pouvoir venir à votre rencontre dans les mois qui viennent, sur cette terre du Pacifique où les civilisations polynésienne et française ont décidé d’unir leur destin, il y a 170 ans”.

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