Bruno Guigue : pour une vision plus objective et un nouveau regard sur la Chine

BEIJING REVIEW –  lundi 7 juin 2021

Bruno Guigue, ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur (de 1990 à 2008), chercheur en philosophie politique et analyste politique français, a récemment accordé une interview exclusive à Beijing Information. Il mène des recherches approfondies sur la Chine qui l’intéresse depuis longtemps et rédige souvent des commentaires en la matière compilés dans des rubriques en ligne.

Face aux articles diffamatoires de médias occidentaux envers la Chine, surtout au sujet de Hong Kong, de Xinjiang, et des droits de l’homme, M. Guigue n’hésite pas à s’exprimer en toute indépendance. Aujourd’hui, il partage avec Beijing Information ses opinions sur la propagande occidentale, la gouvernance de la Chine, ainsi que sur les relations sino-américaines et sino-européennes.

Beijing Information : Qu’est-ce qui vous motive depuis toujours à analyser la situation chinoise et à réfuter les propos diffamatoires des pays occidentaux ?

Bruno Guigue : Je pense que nous sommes à un moment de l’histoire où la Chine pose une série de questions passionnantes pour l’analyste occidental, surtout s’il est prêt à combattre les idées reçues : qu’est-ce que le développement ? Qu’est-ce que la démocratie ? Qu’est-ce qu’un bon gouvernement ? Je me suis rendu compte que la Chine apportait des réponses différentes de celles auxquelles nous étions accoutumés, et que ces réponses étaient méconnues, voire travesties par les médias dominants et les instituts de recherche en Occident. J’espère simplement apporter ma modeste contribution à une vision plus objective de la Chine et contribuer à porter un nouveau regard sur ce pays.

Vous avez écrit dans un article : « La gestion de Hong Kong est une affaire intérieure chinoise. Mais la propagande occidentale la transforme en un conflit international. » En fait, on pourrait dire la même chose du Tibet, du Xinjiang, de Taiwan…Selon vous, quelles sont les causes de cet état de fait ?

Toutes les questions que vous citez, en effet, sont des questions de politique intérieure chinoise qui ne concerne pas les pays étrangers. Est-ce que la Chine intervient dans les affaires intérieures américaines ? Jamais. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : si les États-Unis se permettent de s’immiscer dans les affaires chinoises, c’est uniquement pour tenter de déstabiliser la Chine. C’est la seule raison. Ils ne cessent de parler des Ouïghours. Mais depuis quand les Américains se soucient-ils du sort des musulmans dans le monde, eux qui ont fait la guerre en Afghanistan, en Irak et en Libye ? Les experts du Département d’État et du Pentagone savent très bien que ce discours est hypocrite. Mais en accusant la Chine d’opprimer les Ouïghours, on essaie d’enrôler tous les musulmans dans une nouvelle offensive contre la Chine. Le procédé est grossier, il repose sur le mensonge, et ce n’est pas la première fois que Washington en fait usage.

Vous avez rédigé un article intitulé « À Chacun ses droits de l’homme ». Peut-on aussi dire « À chacun son système politique » ?

« À chacun son système politique », oui, bien sûr, je souscris pleinement à cette formule. À mes yeux, c’est une évidence, dans la mesure où chaque pays a sa propre histoire, sa propre culture, ses propres défis à relever. Pourquoi la Chine devrait-elle imiter les autres, et calquer son propre fonctionnement sur un modèle extérieur ? Le système occidental est peut-être valable pour les pays occidentaux, mais certainement pas pour la Chine. En fait, l’Occident tente de s’ériger en modèle universel, alors même que la réalité concrète des régimes occidentaux est fort peu démocratique. En plus, c’est au nom de l’universalité présumée de son propre modèle qu’il [l’Occident] déclenche des guerres impérialistes et s’immisce dans les affaires intérieures de pays souverains. C’est une supercherie monumentale. À l’universalisme hypocrite de l’Occident, je préfère l’universalisme réel dont parle si bien Zhao Tingyang (philosophe chinois et chercheur à l’Institut de philosophie de l’Académie chinoise des sciences sociales) : un universalisme inclusif, et non exclusif. Un universalisme qui accepte la diversité des modèles, et non un universalisme qui prétend imposer un modèle unique.

Dans un contexte où l’on « voit le croisement du déclin américain et de la poussée chinoise », est-il possible d’éviter la mentalité de guerre froide et la logique du jeu à somme nulle ? Quels sont vos commentaires à ce sujet ?

Il y a aux États-Unis des forces considérables qui s’opposent non seulement à la coopération, mais à la coexistence pacifique entre les différents systèmes. Que ce soit dans l’armée américaine, dans l’industrie de l’armement ou dans les milieux ultra-conservateurs, il règne une profonde hostilité à l’égard de la Chine et de ce qu’elle représente. Cette fraction de la classe dominante américaine n’admettra jamais la formidable réussite de la Chine. Ils n’arrivent pas à digérer le fait qu’un très grand pays, dirigé par un parti communiste, ait réussi à faire de tels progrès en 70 ans. Je ne sais pas si l’influence néfaste de ces milieux anti-chinois continuera à peser sur la politique étrangère des États-Unis. Ce qu’il faut espérer, c’est que le peuple américain finisse par comprendre que l’opposition avec la Chine ne lui apportera rien, que la Chine ne menace personne, et que chaque pays doit avoir son propre système. A cette condition, on pourra peut-être assister à un changement dans les relations internationales.

Lire l’entretien entier sur french.beijingreview.com.cn


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