LIBRE TRIBUNE – Nouméa, le 12 Novembre 2021
L’Etat français, par la voix du Haut-commissaire de la république en Nouvelle-Calédonie, vient d’annoncer le maintien de la consultation référendaire à la date du 12 décembre 2021.
Nous ne pouvons que regretter cette annonce. Nous n’avons eu de cesse d’alerter l’Etat sur les risques et difficultés que le maintien de cette consultation comportait. En effet, loin des bureaux parisiens, nous ici à, 17 000 Km de la France, constatons chaque jour la situation, dans laquelle vivent nos concitoyens. Aujourd’hui les conditions sont loin d’être adéquates pour passer sereinement, dignement, en toute sécurité et certains d’être tous bien éclairés, cette période sensible et importante pour l’avenir de notre nation.
La situation sanitaire n’est pas stabilisée et le risque de rechute est encore bien présent et tangible. Nous n’avons pas atteint les taux cibles de vaccination, de saturation des lits et d’incidence espéré au début de la crise. Nous ne pouvons, à l’heure actuelle, que se demander comment l’Etat peut-il arriver à une telle annonce. En effet, on se rappelle encore, il y a quelques mois, du second tour des municipales qui, pour des raisons sanitaires, avait dû être reprogrammé. Nous avions alors une situation sanitaire bien différente et bien plus sécurisée que celle que nous vivons actuellement. On nous indiquera que la situation en France était différente. Mais dans ce cas, la France bien qu’indivisible ne peut-elle pas agir de sorte à prendre en considération les particularités de ces colonies ?
Nous souhaitons ici le souligner, l’Etat a attendu plus de cinq ans pour nous remettre le document du oui et du non. Avant cette remise, nous avons à plusieurs reprises, sur une période échelonnée sur plusieurs années, demandé la remise de ce document. Nous avons même transmis les différents travaux qui ont nourri nos réflexions pour que l’Etat français puisse proposer un document prenant en compte ces éléments. Aujourd’hui, nous sommes perplexes et avons le sentiment d’être inconsidérés. D’une part ce document qui ne répond que partiellement aux attentes nécessite d’être expliqué à la population dans le cadre d’une campagne adaptée. D’autre part, ce document inachevé/imparfait/incomplet comporte des zones d’ombres qu’il convient que l’Etat puisse éclairer tant sur le Oui que sur le Non avant de pouvoir envisager une explication auprès des calédoniens. Sans cela, ce document n’a d’existence que pour contribuer à créer du flou et nous le savons tous, le flou est l’ami de la peur, et la peur nourrit aujourd’hui bien souvent la campagne en faveur du non. Peut-on de ce fait et en prenant compte du maintien de cette date du 12 décembre, considérer que l’Etat reste à sa place, celle de la neutralité ?
De plus, de nombreuses familles calédoniennes n’ont pas encore de visibilité sur la façon dont ils pourront procéder pour accompagner leurs défunts de façon digne. Si quelqu’un en doutait, nous l’affirmons ici, tous les calédoniens sont conscients de l’importance de ce rendez vous et y compris le peuple autochtone.
C’est dans cette dynamique et, comme nous l’avons déjà indiqué, avec à l’esprit la déclaration du précédent 1er ministre français Edouard Philippe, que nous avons demandé, dès qu’il nous a été possible de le faire, l’organisation de cette consultation. Or personne ne peut nier aujourd’hui, que (pourcentage défunt kanak/océanien) la majeure partie des personnes mortes du COVID sont des océaniens dont une grande partie des kanaks. Le préambule de l’accord de Nouméa place le kanak au centre. Ainsi, nul ne peut aujourd’hui, s’il c’est un minimum intéressé aux kanaks et à leur culture, ignorer qu’ils disposent de rituels sacrés autour de la mort. Ces rites n’ont pu être effectués et les familles sont aujourd’hui très préoccupées par ces démarches. On ne peut pas comparer et encore moins classer la préoccupation que ces deux situations (deuil et consultation) engendrent chez les calédoniens. Ainsi, comment est-il possible, lorsque l’on sait cela, d’imposer la date du 12 décembre 2021 ? C’est comme si l’Etat français considérait mieux savoir que notre peuple en détresse ce qui est le mieux pour lui. Cet Etat peut-il encore se dire neutre ?
Enfin, l’Etat français connait depuis plusieurs mois notre position. Nous l’avons interpellé sur le risque d’une faible participation et de la déception au niveau démocratique que cela représenterait, surtout si l’on compare les taux de participations et à minima avec celui de la précédente consultation. Il semble que la prise en compte du peuple kanak ne soit pas la préoccupation de cet Etat français ?
Nous nous réservons le droit de dénoncer l’accord de Nains-ville-les-roches et demander la restitution du droit inné et actif au seul peuple kanak.
Enfin, face à cela, et compte tenu des consignes déjà données par le FLNKS, nous appelons les calédoniens à ne pas participer à cette consultation.